CE, 4 février 2025, n° 494180, mentionné aux Tables
Par une décision du 4 février 2025, le Conseil d’Etat précise (i) les conditions de l’interruption du délai d’instruction en cas de demande de pièces complémentaires et (ii) le régime contentieux des refus de permis de construire (PC).
En vue de régulariser une extension de leur maison d’habitation réalisée sans autorisation, les propriétaires ont déposé une demande de PC, refusée par le maire de la commune. Après le rejet de leur recours gracieux, les propriétaires ont saisi le juge administratif aux fins d’annulation du refus de PC. Ils ont également formé un recours en référé-suspension devant le juge des référés du TA de Nice, qui a fait droit à leur demande.
La commune s’est pourvue en cassation contre l’ordonnance du juge des référés.
Pour rappel, le délai d’instruction n’est ni interrompu, ni modifié par une demande, illégale, tendant à compléter le dossier par une pièce qui n’est pas exigée en application du livre IV de la partie réglementaire du code de l’urbanisme et que, dans ce cas, une décision de non-opposition à déclaration préalable ou un permis tacite naît à l’expiration du délai d’instruction, sans qu’une telle demande puisse y faire obstacle (CE Section, 9 décembre 2022, Commune de Saint Herblain, n° 454521).
Se fondant sur ce principe, le juge des référés avait considéré que la demande de pièces complémentaires était, en l’espèce, illégale puisque, d’une part, la demande de production de l’autorisation de défrichement était inutile, le projet ne requérant pas une telle autorisation et, d’autre part, la superficie du terrain située en zone UD ne faisait pas partie des éléments obligatoires à joindre à la demande de PC.
Le Conseil d’Etat, saisi du litige, précise toutefois que, dès lors qu’elle porte sur une pièce exigible, c’est-à-dire une des pièces mentionnées au livre IV de la partie réglementaire du code de l’urbanisme, la demande de pièces complémentaires interrompt le délai d’instruction (i) sans qu’il soit besoin de s’interroger sur le bienfondé de cette demande et (ii) sans que la circonstance qu’elle soit partiellement illégale n’ait d’incidence.
En l’espèce, la demande de la superficie du terrain située en zone UD ne porte certes pas sur une des pièces mentionnées au livre IV de la partie réglementaire du code de l’urbanisme. Il n’est pas non plus certain qu’une autorisation de défrichement ait été requise en l’espèce. Toutefois, et en tout état de cause, la demande de pièce sollicitant la communication de cette autorisation, qui fait partie de la liste des pièces mentionnées au livre IV de la partie réglementaire du code de l’urbanisme, suffit à interrompre le délai d’instruction, sans qu’il soit besoin de s’interroger sur son bienfondé.
De prime abord, cette solution limite fortement l’intérêt de la jurisprudence Saint Herblain, tendant à empêcher les demandes – parfois abusives – de pièces superflues, en faisant peser le risque que ces demandes conduisent à l’obtention d’un PC tacite.
En effet, pour pallier un tel risque, tout en conservant la possibilité de demander la communication de pièces ou informations non exigibles, l’administration n’aurait qu’à demander une pièce listée au livre IV de la partie réglementaire du code de l’urbanisme, dont elle saurait pourtant qu’elle est inutile.
Toutefois, cette décision n’est pas étonnante, le Conseil d’Etat suivant la même logique que celle prévalant pour les lettres de majoration de délai d’instruction : l’absence de contrôle du bienfondé de la majoration des délais d’instruction, dès lors qu’elle est motivée par l’un des cas ouverts par le code de l’urbanisme (CE 24 octobre 2023, n° 462511).
Le Conseil d’Etat ajoute également deux précisions sur le régime contentieux des refus de permis :
Les juges du Palais Royal annulent ainsi l’ordonnance du TA et rejettent la requête en référé-suspension.